mardi 11 décembre 2012

(1) Rédiger une préface d'anthologie poétique

Voici quelques extraits de préfaces réussies pour la composition d'anthologies baudelairiennes

 Les élèves ont choisi entre 4 et 6 textes tirés des Fleurs du Mal et les ont introduit en rédigeant une préface.

Le travail de Ségolène : ANTHOLOGIE (1)

[intro, non donnée]

   Notre anthologie s’ouvrira sur le poème « Obsession », dans lequel le poète se sent opprimé par les ténèbres du monde dans lequel il vit et où sa haine est grandissante. Il exprime un malaise très présent qui fait naître le spleen, la nostalgie et la haine.
Nous poursuivrons notre étude avec le poème « L’Horloge», dans ce poème le poète exprime son angoisse face au temps qui passe. Dans cet anthologie, ce poème est illustré par un tableau de Harmen Steenwijck intitulé Vanité (1640).
Nous verrons également dans « L’Ennemi » que le poète prend conscience que le temps et l’ennui ne lui sont pas favorables. Il associe le temps aux saisons. Baudelaire regrette que celui-ci passe trop vite, quil lempêche de finir ce quil a commencé.
Puis nous continuerons avec « Le Goût du Néant » où le poète s’habitue à l’ennui qui le hante. C’est un poème frappé de désespoir, personnel et particulièrement lyrique.
Enfin, nous fermerons cette anthologie baudelairienne sur « Spleen » « Je suis comme le roi d’un pays pluvieux,… »; Baudelaire y exprime son ennui auquel il n’y a qu’une fin funeste. Ce poème est également illustré, ici par l’« Enfant géopolitique observant la naissance de l’Homme nouveau », peinture de Salvador Dalì.
Notre anthologie illustre donc le thème du temps qui passe et qui laisse derrière lui le spleen, la mélancolie, parfois la nostalgie qui inspirent le poète et le conduisent dans un voyage d’idéalisation et d’exploration de la misère de l'homme.
Dans un premier temps nous définirons les caractéristiques du spleen baudelairien. Puis dans un second temps, nous verrons que le Temps anéantit le poète, qui laisse place à la mélancolie. Enfin, dans un dernier temps nous verrons que la poésie est, pour Charles Baudelaire, un moyen d’exister même si ce doit être au milieu des souffrances de la vie.
    
 
« Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l’existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d’une aile vigoureuse
S’élancer vers les champs lumineux et sereins;
Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
- Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes ! »
 
L’Élévation, section Spleen et Idéal, Les Fleurs du mal 
de Charles Baudelaire.

 
« Mélancolie » de Domenico Fetti (1588-1623), c’est une huile sur toile datant, environ, de 1622. Ses dimensions sont de 179 cm sur 140 cm. Ce tableau se trouve à la Galerie de l’Académie de Venise.
   

Baudelaire écrit, dans "Mon Cœur mis a nu", un de ses journaux intimes qui a été publié :  
«Tout enfant, j'ai senti dans mon cœur deux sentiments contradictoires : l'horreur de la vie et l'extase de la vie.». Le spleen baudelairien est très caractéristique. Il représente l’ennui profond de l’être humain face aux événements de la vie. Le poète dans un état de spleen manifeste un tempérament nostalgique, une grande tristesse face à l’environnement dans lequel il évolue. Une variante à ce spleen est-ce que Baudelaire appelle la mélancolie. Cet état d’âme place le sujet, ici le poète, dans l’obsession du passé, l’angoisse de l’avenir, et donc l’incapacité de vivre le présent. La fuite du temps devient alors une obsession, une angoisse et même un ennemi pour le poète.
Les poèmes de Baudelaire présentés dans l
anthologie qui suit évoquent principalement le spleen, la mélancolie face au temps qui passe inexorablement. Les caractéristiques du spleen baudelairien sont parfaitement bien présentées dans le poème « Spleen », « Je suis comme le roi dun pays pluvieux, ». Dans ce poème, le poète est représenté par le roi. Ce roi gouverne un royaume « pluvieux » (vers 1), où la pluie et le froid semblent être constants. On retrouve cet état qui dur au vers 17, auquel on ne fait plus allusion au pays mais au « cadavre hébété » que lon ne peux réchauffer. Le poète/roi est si profondément ancré dans son ennui que rien ne peut len sortir. Le roi demeure incapable de sentiment, de désir, rien ne réussit à le distraire, ni la chasse (vers 5), ni le « bouffon» (vers 7) pas même « son peuple mourant » (vers 6). C'est un « cruel malade » (vers 8), et cette cruauté est le fruit de son ennui. Cet ennui affaiblit et finira par anéantir le poète. Dans ce poème cet anéantissement est traduit par la mort, on le perçoit par les termes croissant du « cruel malade » (vers 8), qui devient un « jeune squelette » (vers 12) et enfin un « cadavre hébété » (vers 17). On sent ainsi le poids du temps qui pèse sur le poète confronté au spleen.On voit donc que le spleen installe langoisse et la douleur dans lesprit du poète qui ne peut les fuir. Ce sentiment dimpuissance face à lennui est également repris dans le poème « LHorloge » avec les vers 3 et 4 : « Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d'effroi / Se planteront bientôt comme dans une cible; ». Ces vers expriment le fait que le poète ne peux pas échapper au méfaits du temps et a lennui qui le hante.
Le spleen baudelairien se traduit aussi et surtout par la hantise du temps qui passe. Ainsi dans « LHorloge » Baudelaire réduit la vie humaine à une seule saison, et donc la durée de vie, alors que la tradition poétique associait les quatre saisons à la vie. Le printemps représentait la jeunesse, lété figurait lâge mûr, lautomne la vieillesse et enfin lhiver revoyait à la mort. Cette durée de vie, déjà limitée par le poète, est dévorée par le temps (vers 7). On peut alors rapprocher ce poème des vers 10 à 12 du poème « Le Goût du néant » ou encore de la dernière strophe de « LEnnemi ».
Le spleen conduit le poète à chercher alors « le vide, et le noir, et le nu » (vers 11, dans le poème « Obsession »)
 
 
Anthologie Baudelairienne
   
Obsession
1 Grands bois, vous m’effrayez comme des cathédrales;Vous hurlez comme l’orgue; et dans nos cœurs maudits,
Chambres d’éternel deuil où vibrent de vieux râles,
Répondent les échos de vos De profundis.
5 Je te hais, Océan ! tes bonds et tes tumultes,Mon esprit les retrouve en lui, ce rire amer
De l’homme vaincu, plein de sanglots et d’insultes,
Je l’entends dans le rire énorme de la mer.
Comme tu me plairais, ô nuit ! sans ces étoiles
10 Dont la lumière parle un langage connu !Car je cherche le vide, et le noir, et le nu !
Mais les ténèbres sont elles-mêmes des toiles
Où vivent, jaillissant de mon œil par milliers,
Des êtres disparu aux regardes familiers.
 
 
L’Horloge
1 Horloge ! Dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit : « Souviens-toi ! 

Les vibrantes Douleurs dans ton cœur plein d’effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible;
5 Le Plaisir vaporeux fuira vers l’horizonAinsi qu’une sylphide au fond de la coulisse;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
À chaque homme accordé pour toute sa saison.
Trois mille six cents fois par heure, la Seconde
10 Chuchote : Souviens-toi ! - Rapide, avec sa voixD’insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,
Et j’ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !
Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor ! (mon gosier de métal parle toutes les langues.)
15 Les minutes, mortel folâtre, sont des ganguesQu’il ne faut pas lâcher sans en extraire l’or !
Souviens-toi que le Temps est un joueur avide Qui gagne sans tricher, à tout coup ! C’est la loi.
Le jour décroît; la nuit augmente, souviens-toi !
20 Le gouffre a toujours soif; la clepsydre se vide.Tantôt sonnera l’heure où le divin Hasard,
Où l’auguste Vertu, ton épouse encor vierge,
Où le Repentir même (oh ! la dernière auberge !),
Où tu te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard ! 


 
L’Ennemi
1 Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage, Traversé çà et là par de brillants soleils;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu’il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.
5 Voilà que j’ai touché l’automne des idées, Et qu’il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l’eau creuse des trous grands comme des tombeaux.
Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
10 Trouveront dans ce sol lavé comme une grèveLe mystique aliment qui ferait leur vigueur ?
- Ô douleur ! ô douleur ! Le temps mange la vie,
Et l’Ennemi qui nous ronge le cœur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie !
 
 
 
Le Goût du Néant
1 Morne esprit, autrefois amoureux de la lutte, L’Espoir, dont l’éperon attisait ton ardeur,
Ne veut plus t’enfourcher ! Couche-toi sans pudeur,
Vieux cheval dont le pied a chaque obstacle butte.
5 Résigne-toi, mon cœur; dors ton sommeil de brute.Esprit vaincu, fourbu ! Pour toi, vieux maraudeur,
L’amour n’a plus de goût, non plus que la dispute;
Adieu donc, chants du cuivre et soupirs de la flûte !
Plaisirs, ne tentez plus un cœur sombre et boudeur !
10 Le Printemps adorable a perdu son odeur ! Et le temps m’engloutit minute par minute,
Comme la neige immense un corps pris de roideur;
Je contemple d’en haut le globe en sa rondeur
Et je n’y cherche plus l’abri d’une cahute.
15 Avalanche, veux-tu m’emporter dans ta chute ? 
 
Spleen
1 Je suis comme le roi d’un pays pluvieux, Riche, mais impuissant, jeune et pourtant très vieux,
Qui, de ses précepteurs méprisant les courbettes,
S’ennuie avec ses chiens comme avec d’autres bêtes.
5 Rien ne peut l’égayer, ni gibier, ni faucon, Ni sont peuple mourant en face du balcon.
Du bouffon favori la grotesques ballade
Ne distrait plus le front de ce cruel malade;
Son lit fleurdelisé se transforme en tombeau,
10 Et les dames d’atour, pour qui tout prince est beau,Ne savent plus trouver d’impudique toilette
Pour tirer un souris de ce jeune squelette.
Le savant qui lui fait de l’or n’a jamais pu
De son être extirper l’élément corrompu,
15 Et dans ces bains de sang que des Romains nous viennent,Et dont sur leurs vieux jours les puissants se souviennent,
Il n’a su réchauffer ce cadavre hébété
Où coule au lieu de sang l’eau verte du Léthé.

L’illustration renvoie au poème « Spleen » « je suis comme le roi d’un pays pluvieux,… » dans son intégralité. 


Tableau de Salvador Dalì intitulé « Enfant géopolitique observant la naissance de l’Homme nouveau » datant de 1943. C’est une huile sur toile, de dimension 46 cm sur 52 cm. Ce tableau se trouve au Salvador Dalì Muséum St Petersburg, en Floride (États-Unis).
 

  
 
 

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